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De la Dépression vers le Yoga

Dernière mise à jour : 14 nov. 2022


"Allez souris !", "Fais un effort, tu fais toujours la gueule, c’est insupportable", "Celle-ci, elle ne va pas bien, ça se voit dans ses yeux, elle a beau sourire, on sent qu’elle est triste", "il pourrait se bouger un peu, on a tous des problèmes, il faut toujours qu'il en fasse des tonnes...".


Ou encore …


"Oh non… Ça revient… Je le sens, je perds pied, je perds le contrôle. Je n’y peux rien, je la vois revenir. C’est comme une vague incontrôlable qui me saisit, je ne comprends pas. Je croyais que c’était terminé, je croyais que c’était parti. Pourquoi encore ? Je n’en peux plus, je perds les pédales et tout s’accélère. Je suis fatiguée de ressentir ça. Tout se bouscule. Pourquoi, bon sang, pourquoi ? Finira-t-elle par m’avoir ? Qu’est-ce qui cloche chez moi ?".


Sournoise dépression.


Un mot, trois syllabes, lourdes de sens. Tant évité, si mal interprété. Trop souvent jugé. La dépression est considérée par l’OMS comme une maladie. Il ne s’agit donc pas d’un léger trouble du comportement ou encore d’une simple histoire de volonté. Et non, il ne suffira pas de dire à Mathilde de sourire pour que son visage s’illumine. Ou encore de croire Paul quand il te martèle, sourire aux lèvres, que “si si, tout va bien dans sa vie !”.


Car c’est un fait, que cela surgisse d’un jour à l’autre ou lentement de manière sinueuse, la dépression existe et émerge. Parfois même, alors qu’on la croyait “soignée”, elle réapparaît. Sans qu’on lui en ait donné l’autorisation, elle nous revient. Comme un boomerang. Elle nous saisit, à nouveau. Et notre monde s’écroule. On a si peur de retomber. Et on a beau lutter, face à elle, sur le moment, on est démunis. On n'y “arrive pas”. Impossible de l’éviter, impensable de l’esquiver. “C’est plus fort que nous, quelque chose déconne”.


Combien d'entre nous ont fait face et font encore face à ces épisodes de dépression. De déprime, de mal-être intense, d'un enchaînement incessant d’idées noires, d’une sensation d'effondrement intérieur… Peu importe l'appellation, c’est le vide immense qu’on se prend en pleine face. Un vide qui nous aspire, nous rendant spectateur de notre propre chute.


Toujours selon l’OMS (Organisation mondiale pour la santé), les troubles dépressifs représentent le premier facteur de morbidité et d’incapacité sur le plan mondial (communiqué de mars 2017). On compte plus de 300 millions de personnes dans le monde souffrant de dépression*. Pourtant bien souvent, on la tait. On la cache. On ne veut pas la regarder. Elle dérange, bien sûr qu’elle dérange ! La victime d’abord, l’entourage ensuite. Parce qu’elle est invisible, sous-jacente, latente… Parce qu’elle n’est pas “concrète”, facile à traiter, encore moins à comprendre.


Et puis parce que dans nos sociétés, c’est mal vu d’aller mal. C’est difficile de dire qu’on ne va pas bien. A l’heure ou il faut être toujours plus productif, toujours plus souriant, toujours plus sain, comment avouer que nos démons nous ont gagné ? Comment se confier sur un mal être qu’on ne saurait expliquer ? Ici, il n’y a pas de A+B. Tout devient flou et il faut être très courageux pour l’assumer.


A force, il se peut même qu’on ait plus du tout envie d’en parler. Et le cercle vicieux se referme sur nous. On n’échange plus, on ment, on tait la douleur, on l'enfouit, la dissimule, on essaye de l’enterrer, tant bien que mal. Mais plus on essaye, plus on se renferme, plus on se renferme, plus on a mal… Ainsi va la dépression. Ainsi va l’effondrement. Accentuant au fil du temps un - injuste - sentiment de faiblesse, de honte, d’incapacité…


C’est comme si toutes les parties de nous n'étaient pas d’accord pour être en vie.


Cependant quelque chose s’accroche. On se lève encore, on essaye encore. Peut-être même qu’on sourit, encore. Dans un élan d’aller mieux, on ira essayer des choses. C’est là que, pour ma part, le Yoga s’est pointé. Comme un petit miracle. Comme une petite porte de sortie, un peu de lumière, la vision lointaine du bout du tunnel.


Je ne suis qu’un cas parmi d’autres. C’est une réalité : il y a parmi nous ceux qu’on définit de personnalités limites, addict, impulsive, hypersensible, borderline… Et quand on le vit, c’est difficilement descriptible, les causes sont variables. Cela dit, au fil des années, à force de travailler dessus, on reconnaît les moments où ça part en vrille. Les moments où on perd le contrôle, petit à petit ou alors tout d’un coup. C’est parfois sournois, ça arrive d’autres fois en un claquement de doigts. Et laborieusement, on déploie tout ce qu’il nous reste d'énergie à tenter de se ramener, de s’en sortir.


De tous mes essais, de toutes mes tentatives, je peux vous affirmer que je n’ai connu qu’un moyen imparable : reprendre contact avec mon corps.


Ramener de la vie dans les endroits sombres.


Alors bien sûr ce n’est pas immédiat. Bien sûr qu’il faut s’accrocher. Généralement dès le premier cours de yoga il y a déjà un effet. Il y a déjà un mieux. Comme une impulsion à aller dans le sens inverse. S’extirper du cercle vicieux pour inverser la balance, consciemment, comme on peut. C’est un phénomène assez incroyable à observer. Doucement, le sablier se renverse. Il suffira parfois de s’inscrire à un deuxième cours le lendemain matin par exemple, pour pouvoir être enclin à continuer, encore un peu plus. Ne serait-ce que mettre son réveil, avoir rendez vous avec soi même. S’engager à au moins essayer. Faire le premier pas, peut-être un deuxième, puis un troisième…


C’est un chemin très long, je ne vais pas vous mentir et finalement je n’apprends rien à personne. Je ne crois absolument plus en un quelconque remède miracle qui viendrait soulager ma peine quand elle décide de m'envahir. A une sorte de médicament mystique qui réglerait par enchantement un quelconque problème. A ce moment horrible où le spleen devient dépression, la pensée devient obsession. Au moment précis où on perd la main sur nous-même. Et où, c’est si dur d’accepter de juste attendre que ça passe. Car parfois attendre que ça passe est très dangereux. Cela demande beaucoup de pratique, beaucoup de courage et de détachement aussi. Quand l’appel de l’addiction est trop fort, que le marasme de la déprime nous met à terre, quand on se sent dégringoler, il faut agir. Et souvent, le meilleur moyen d’attendre que ça passe est de faire.


Surtout ne pas rester immobile.


Surtout ne pas rester figé. Parce que pour le meilleur comme pour le pire, il se passe toujours des choses même quand il ne se passe rien.


En ce qui me concerne, une des solutions c’est de cliquer sur ce bouton. Réserver un cours de yoga, y aller. Même si, oui ! Il est fort possible, au début, que pendant une heure, ce soit une lutte. Mais demain matin vous y retournez. Et après-demain aussi. Alors, doucement, il se passe des choses… Et la lutte devient parfois plus facile. Se transformant même un jour en plaisir.


C’est quelque chose que j’ai beaucoup expérimenté quand je travaillais encore en tant que salarié. Quand la boule au ventre et les idées sombres m'envahissaient dès le matin, je n’avais que mon cours de yoga du soir en ligne de mire. Et c’est vraiment quelque chose qui peut vous faire “tenir”. Bien souvent j’ai voulu l’annuler, bien souvent j’y suis quand même allée. Tous les soirs s’il le fallait. Dans les moments les plus compliqués, les cours collectifs de Yoga ont clairement été ma bouée de sauvetage. Cette toute petite heure changeait ma journée. Faisant bouger les choses de manière bien plus profonde au fil des années. Et puis au Yoga, on a pas besoin de parler. Rien à expliquer ou à justifier. C'est une affaire personnelle. On peut rester muet/te si on le souhaite. On attend rien de nous ici et parfois, ça aussi, ça fait du bien.


Il n’est pas question pour moi de vous vendre du rêve ! On le sait, les addictions, les comportements qui nous désolent parfois, tout cela ne disparaît pas grâce à une carte de 5 cours de Yoga. Les pensées obsessionnelles ne s’envolent pas par magie parce qu’on vous a demandé de vous mettre en guerrier 2 ou d’élever les mains vers le ciel. Cependant, elles se calment. Elles s’espacent. S’adoucissent. Les choses évoluent… et même après un premier cours on peut avoir le sentiment de prendre de la hauteur. De sortir de quelque chose, de s’extirper de la noirceur. D’y voir plus clair. De reprendre doucement les manettes de son être.


Peu à peu, il est possible que votre capacité d’observation augmente, que votre corps se renforce, que votre respiration devienne votre alliée.


Parce qu’indéniablement le Yoga viendra toucher différentes parties de nous-même. Ce principe d’avoir une activité, quelque chose à faire, pour une personne souffrant de troubles dépressifs, est quoi qu’il en soit un bon accompagnement. Pour certains il pourra s’agir d’une autre activité, je ne me permettrai jamais de remettre cela en question. Je crois toutefois que le Yoga a ce don divin de toucher des parties de nous souvent difficiles d’accès. Effleurant du bout des doigts l’intégralité de nos corps. Physique, émotionnel, mental et spirituel. Peut-être même qu’il pourra réveiller en nous la notion de l’âme, si c’est quelque chose qui nous parle.


C’est en ce sens que le Yoga a, pour moi, quelque chose de magique.


Aussi, le cours collectif revêt une autre dimension importante. L’engagement déjà, lors de l’inscription. Et surtout, la notion de groupe. Car oui, en état dépressif, bien souvent et malgré nous, on ne voit que nous. Notre triste monde se rétrécit et tourne autour de nous-même. Faire partie d’un groupe est un début d’ouverture à l’autre. Se rendre compte que les paroles du professeur nous touchent mais touchent également les autres élèves, permet d'étoffer lentement une certaine sensibilité envers autrui. Nous ne sommes plus seuls. Et une expérience aussi personnelle que commune est possible.


Dans beaucoup d’enseignements de yoga on nous invite à observer. Je crois qu’il s’agit là d’une clé qui changera beaucoup de choses tout au long de notre vie. Quand on commence à être capable d’observer ses comportements sur le tapis, on est plus à même d’observer ceux que l’on pourrait avoir dans nos vies. Et si on peut “prendre conscience”, on a déjà fait une belle partie du chemin. L'expérience de la vie n’est plus perçue de la même manière. Les choses sont vécues différemment.


En Yoga, nous sommes invités à vivre pleinement ce qui est difficile …


Attention. Parfois les émotions sont si vives et envahissantes que les vivre nous est inaccessible - pour le moment. Et vous savez quoi ? On a le droit d’accepter ça. On a le droit de vouloir aller mieux. On a le droit de vouloir s’alléger. Et on a le droit d’utiliser le Yoga selon nos besoins (urgents, vitaux ou plus légers, qu’en bien même seraient ils superficiels). Ceci est mon avis.


Enfin je terminerai en précisant - à nouveau - que le yoga n’est ni un médicament, ni une fuite. Il a pourtant le droit d’être une béquille. Et parce qu’il a le mérite d’exister, il a le droit d’être utilisé.


Amis Yogi, Profs de Yoga, Enseignants ou autres passionnés, offrons au Yoga l’honneur de s'expandre. D’apporter au monde l’intégralité de ses trésors. Rendons le Yoga accessible à tous. Car ce sont souvent ceux qui en ont le plus besoin qui n'osent pas pousser la porte de nos studios, de peur que le Yoga “ne soit pas fait pour eux”.


A nous tous de changer la donne. Casser les préjugés et les images préconçues d’une pratique qui pourrait tous nous aider. Parce que si on peut respirer, on peut faire du Yoga.


Formons-nous, entraidons-nous, renseignons-nous… Parce que cette pratique que l’on chérit tant, peut avoir un réel impact sur les gens. Il peut changer le cours d’une journée. N’oublions jamais qu’il peut également changer le cours d’une vie. Ceci est précieux.


Je nous souhaite d’explorer encore et toujours. D’apprendre et de partager. De nous aider et de nous observer. De nous écouter en essayant de ne pas nous juger.


Et que ce soit à travers le Yoga ou toute autre activité, je nous souhaite de parvenir à convaincre toutes les parties de nous, même les plus réticentes, à rester en vie.


Parce que si une chose est bien sûre, c’est que les choses peuvent changer.


Du fond du cœur,


Charlène.


* Source : https://www.la-depression.org/comprendre-la-depression/la-depression-en-chiffre/


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